L’aquaponie offre-t-elle tous les nutriments dont les végétaux ont besoin ?

Compléments et fertilisants aquaponie

Salut les aquaponistes!

On me pose souvent cette question: est-ce que les végétaux cultivés selon la technique de l’aquaponie bénéficient de tous les nutriments dont ils ont besoin ?

C’est une excellente question très pertinente et afin de parvenir à y répondre en détail, j’ai décidé de vous traduire une discussion entre Murray Hallams et plusieurs membres de son forum  practicalaquaponics.com.

Suite à cette traduction, j’ajouterai quelques informations qui me paraissent importantes et qui ont, à mon sens, été omises dans la discussion avec Murray, et pour finir je proposerai à ceux qui souhaiteraient définitivement trancher sur la réponse de m’aider à financer une batterie de tests en laboratoire pour avoir un avis scientifique de la chose! On m’a toujours dit que ça ne servait à rien de faire les choses à moitié! 🙂

J’espère ainsi pouvoir répondre à cette question et vous démontrer que l’aquaponie offre bien tous les nutriments dont les plantes ont besoin.

Murray Hallams
Murray Hallams

Murray Hallams n’est plus à présenter. Si toutefois vous ne le connaissiez pas, c’est un des pionniers et leaders de l’aquaponie dans le monde. Il fait partie des experts en la matière et ses compétences ne sont plus à prouver. Rien ne vaut la pratique comparée à la théorie.

Voici l’extrait de ma traduction de cette discussion disponible sur ce super forum anglophone consacré à l’aquaponie, auquel contribuent des experts en aquaponie mais aussi des praticiens réguliers, novices ou chevronnés de ce type de culture.

L’idée de base est qu’un jardin traditionnel possède une quantité gigantesque de nutriments dans lesquels une plante peut puiser à tout moment. En comparaison, on s’imagine que des végétaux cultivés selon la technique de l’aquaponie n’en bénéficient qu’en moindre quantité. Cette question est soulevée continuellement par des personnes plutôt sceptiques à l’idée de cultiver des végétaux dans des bacs de culture hors sol et en dehors de leur environnement naturel. Cette question a d’ailleurs été encore posée aujourd’hui sur ma chaîne Youtube.

Murray Hallams aquaponie

La question initiale qui a lancé le débat :

« Je suis un adepte de toutes les techniques de cultures organiques et certifiées sans produits chimiques, mais en ce qui concerne l’aquaponie, je me demande si les végétaux sont en mesure de recevoir tous les nutriments dont ils ont besoin ? La terre contient une quantité impressionnante de nutriments et organismes essentiels à leur croissance. Mises à part toutes les idées bidons vantées par les publicitaires, le changement est une bonne chose – en particulier si cela permet aux végétaux de se nourrir de la plus large variété de nutriments possibles. Les plantes savent ce dont elles ont besoin et ce dans n’importe quel environnement. Maintenant, est-ce que quelqu’un sait si l’aquaponie peut compter parmi ces techniques ? »

Voici la réponse d’experts en aquaponie :

Duff : Dans mes installations aquaponiques j’ajoute du sel de mer et un extrait d’algues fertilisantes ce qui m’assure de bénéficier davantage de nutriments que dans la plupart des sols traditionnels. De plus, grâce à l’utilisation de vers qui minéralisent les déchets, on obtient de meilleurs résultats que dans une terre traditionnelle. Mais aussi, les végétaux grandissent plus vite, ont une meilleure apparence et sont meilleurs en goût, donc je pense que si nous manquons quelque chose de toute façon ça ne doit pas avoir une grande importance.

Murray : Pour ma part, je fais et j’ajoute régulièrement du thé de lombric à mon système aquaponique. J’ai la profonde conviction que pour être un bon jardinier et de quelque manière que ce soit, il faut avant tout devenir un expert du compost pour espérer obtenir des végétaux riches en nutriments.

John : Je pense que le fait de dire que les jardins traditionnels possèdent « une quantité gigantesque de nutriments dans lesquels une plante peut puiser à tout moment » est une erreur fondamentale et cette erreur nous apporte donc une réponse à la question…

Les jardins traditionnels ont un apport irrégulier en ce qui concerne l’irrigation et le drainage car logiquement dépendants de la pluie. Ainsi, la majorité des nutriments nécessaires, qui sont solubles et mobiles sont souvent indisponibles à moins qu’un système d’irrigation ne soit mis en place.

piment-poivron-aquaponieDe même, le concept du compagnonnage végétal, hormis les considérations en matière de maladies ou de nuisibles, est basé sur l’idée que certains végétaux peuvent avoir des besoins différents et qu’une plante peut absorber les besoins d’une autre ou lui en apporter.
Ensuite, nous savons tout ce qui concerne l’action fertilisante et les théories autour de l’alternance des cultures pour reconstituer et garantir les nutriments essentiels de manière à ce que ces nutriments soient disponibles à tout moment. En aquaponie, nous possédons tous les nutriments nécessaires à tous les végétaux et ce, tout le temps, sans limites rencontrées à cause du pH ou d’autres éléments comme le fer.

Murray : On pourrait en discuter pendant des heures, mais je pense que les deux premières interventions ci-dessus ont donné la meilleure réponse à ce sujet.

Comment pourrait-on prouver cela scientifiquement ? Ça me semble compliqué. Alors qu’un jardin aquaponique aura tendance à demeurer assez régulier dans son fonctionnement, le meilleur des jardins traditionnels sera soumis en comparaison à une grande variation dans la quantité de nutriments disponibles selon la période considérée.

Jardiner de quelque manière que ce soit est une aventure presque religieuse… les gens ont tendance à croire que leur manière de jardiner est toujours la meilleure. Peut-être que ce n’est pas une mauvaise chose, mais de telles convictions peuvent parfois constituer un obstacle à la logique.

J’ai moi-même posé la même question que Frank dans les grandes lignes à chaque fois que j’ai présenté la technique de l’aquaponie au cours de conversations sur la permaculture.

Je pense qu’une fois que les gens ont vraiment compris comment fonctionne l’aquaponie, particulièrement comme nous la pratiquons dans notre circuit fermé avec les méthodes d’irrigation et d’évacuation, l’utilisation des vers, etc…. Ils deviennent rapidement plus curieux de connaître les possibilités que peut apporter un système aquaponique à leur vision de la permaculture.

S’ouvrir à l’aquaponie apportera plus d’équilibre encore dans l’ensemble du système de production alimentaire, comme le fera par exemple l’ajout de bacs potagers comme les wicking-beds.

Il reste quelques barrières mentales envers l’aquaponie, dans l’esprit des puristes adeptes de la permaculture.

tomate-aquaponieL’une de ces barrières concerne la terre du sol avec l’idée qu’il est nécessaire de cultiver ses végétaux sur ce type de terre avec des vers et du compost pour avoir un jardin digne de ce nom (nous avons des tas de vers dans nos wicking-beds et dans nos bacs de culture remplis de graviers qui font ce que les autres vers font traditionnellement).

La deuxième concerne la nourriture des poissons. Les granules vendus dans le commerce sont produits grâce à des prises accessoires (NDLR : entendez par là les espèces de poissons non désirées mais malheureusement pêchées suite au raclage du fond des océans par de gros chalutiers) ainsi qu’avec les déchets issus de la transformation des poissons avant commercialisation (NDLR : les déchets de poisson venant de la transformation de certaines parties du poisson comme la tête, les intestins ou le squelette), et donc leur production et leur utilisation détruisent la réputation de la pratique de la pêche, ce qui est vu comme un acte de sabotage écologique qui n’est pas soutenable (ce problème tend cependant à être réglé et à ce titre de nombreuses théories très intéressantes font jour ces temps-ci en 2014. Elles concernent la nourriture durable pour poissons).

Je crois que ces barrières peuvent et sont en train de tomber de plus en plus et nous verrons des avancées considérables en la manière. L’aquaponie sera bientôt considérée comme une technique viable et même nécessaire aux jardins organisés sur le modèle de la permaculture.

Native CA : Le terme d’aquaponie peut être trompeur. L’allusion à l’hydroponie peut sous-entendre que cette technique n’utilise que la culture dans l’eau, or, en un sens l’aquaponie peut aussi impliquer de cultiver des végétaux dans la terre traditionnelle. La poussière que l’on retrouve dans l’air et ailleurs peut trouver sa place dans un tel système. Les déchets de poissons vont se détruire dans le fertilisant organique et associés à la poussière ils vont créer une terre organique à l’intérieur du système. Par l’intermédiaire d’un système d’irrigation et d’évacuation régulé, les végétaux auront aussi toute l’eau et tout l’air dont ils ont besoin, le tout sans la perte d’eau qui peut être logiquement anticipée dans un jardin traditionnel.

Les prises accessoires de poissons et les déchets, d’aussi loin qu’ils viennent, sont certainement préférables à utiliser de cette manière, sous prétexte de finir autrement dans les centres d’enfouissement traditionnels et de polluer encore plus que ça ne pollue déjà.

Murray : Je pense que la présence de vers composteurs dans les systèmes aquaponiques règle la question sur les nutriments. J’ai des vers qui permettent d’alimenter la majorité de mes bacs de culture à ce jour. Des restes de végétaux ainsi que d’autres éléments compostables sont ajoutés au tout pour garantir encore plus de diversité de nutriments sur le système d’aquaponie. La chose intéressante dans les systèmes aquaponiques est que les nutriments ne sont pas désagrégés comme cela arrive dans un jardin traditionnel. Les nutriments et les minéraux sont retenus dans les systèmes aquaponiques et ainsi distribués en continu.

Souvenons-nous qu’il existe une importante quantité de bactéries et de microbes en activité dans un système aquaponique mature qui se décomposent et traitent la matière pour créer un merveilleux système grâce à son orientation naturelle et organique.

Voici ma réponse issue de mon expérience personnelle :

Pour ma part et avec ma modeste expérience aquaponique, je dirai que pour qu’un système aquaponique offre tous les nutriments et éléments dont les plantes ont besoin, il faut être à l’écoute des carences de ses plantes. Pour éviter ces carences, il faut apporter le plus grand soin dans la diversité des apports faits.

Parmi ces apports, je pense notamment à la nourriture choisie pour les poissons, mais également à tous les compléments aquaponiques qui sont recommandés.

Tout comme nous ne pourrions pas vivre correctement en ne mangeant que du riz, les plantes et les poissons ont besoin d’apports de qualité, riches et variés. C’est sur ce point que je ne suis pas vraiment d’accord avec Murray qui a l’air de cautionner le raclage des fonds marins et le fait que la nourriture pour poissons soit issue de sous-déchets. Je ne trouve pas cela très rassurant de nourrir ses poissons avec ces sous-déchets en sachant qu’on va à notre tour manger les poissons. C’est exactement pareil avec la viande que l’on mange; on rechigne plus à manger un boeuf nourri aux OGM qu’un boeuf nourri sainement.

Dans mon cas j’aime fabriquer la nourriture de mes poissons mais j’aime aussi préparer mes additifs tels que les purins de consoude, fougère, prêle, ortie ou décoctions de bourrache. J’ajoute aussi du thé de lombric ainsi que parfois du fer chelaté quand je n’ai plus de purin.

vers aquaponieDans mes premières années d’aquaponie, je pense que mes légumes étaient moins riches que ceux que je produisais en terre grâce à la permaculture. Il n’y a qu’à voir mes anciennes photos d’aquaponie… tout était en carence.

Depuis cette année, je pense que je n’ai plus jamais constaté de carences. Mes plantes et fruits ont de belles tailles, de belles couleurs et ne sont plus trop sujets aux maladies, preuve qu’ils sont en parfaite santé (excepté les pucerons mais c’est propre à la culture intérieure en aquaponie ou hydroponie).

Un autre point évoqué par Murray est qu’en aquaponie, la vie se développe naturellement dans le substrat et plus un système sera ancien et plus il aura tendance à être riche : insectes, bactéries, nutriments et minéraux produits par la digestion des déchets de l’écosystème vont constamment enrichir le système aquaponique (racines sectionnées, racines mortes, graines non germées, éléments de l’eau de pluie, éléments provenant de l’air et du vent, cadavres d’insectes et larves, etc…).
La vie et le cycle d’un système aquaponique sont totalement calqués sur ceux de la nature et l’écosystème aquaponique est, comme tout écosystème, naturellement voué à s’enrichir au fil des années.

Une autre info très intéressante est que les bactéries peuvent également apporter des nutriments à l’hôte. En particulier, la carpe et le tilapia Oreochromis niloticus n’ont pas besoin d’apport alimentaire de vitamine B12 car leur flore anaérobie est dominée par des bactéroidacées qui produisent cette vitamine.

Par conséquent les légumes produits en aquaponie à partir de carpe ou de tilapias du Nil ont bien des chances d’être supplémentés naturellement en B12, tout comme les poissons. (Sources : http://archimer.ifremer.fr/doc/00066/17708/15226.pdf et Sugita H, Miyajima C, Deguchi Y. )

Mise à jour de l’article :

Une étude vient d’être publiée publiquement par APIVA. Elle permet de voir ce que créé réellement l’aquaponie. Pour lire l’article complet, cliquez ici : Nutriments créés par l’aquaponie.

Pour aller plus loin, finançons des études en laboratoire.

laboratoire analyse aquaponieAfin d’aller plus loin dans ce débat qui s’annonce sans fin, je propose que nous financions des tests en laboratoire pour définitivement trancher et dépasser nos croyances ou pensées.

Si l’idée vous paraît intéressante, je vous invite à réaliser votre don ici.

Je ferai alors pousser la même espèce de plusieurs légumes et fruits dans le même périmètre, avec les mêmes conditions, sauf que les uns seront en aquaponie et les autres en pleine terre. Le tout sera envoyé au laboratoire d’analyse de Reims et je serai alors en mesure de vous donner les résultats pour connaître le fin mot de l’histoire…

Bien évidemment, je vous invite à laisser ici vos commentaires afin de créer le débat 🙂

Pierre

4 réactions sur “ L’aquaponie offre-t-elle tous les nutriments dont les végétaux ont besoin ? ”

  1. Charles Goze Réponse
    « Une autre info très intéressante est que les bactéries peuvent également apporter des nutriments à l’hôte. »

    Purée, le coup de la vitamine B12 c’est énorme!! Je ne savais pas que c’était possible. C’est très intéressant tout ça

  2. Alan Réponse
    Ah ce bon vieux Murray! Je l’adore ce mec, c’est un bon gars et tout ce qu’il fait est génialissime. Merci pour ton article Pierro.
  3. Aquaplaisir Réponse
    Je crois que tu as lancé là un super débat. C’est aussi la question qu’on me pose quand je parle d’aquaponie à mes élèves…
  4. Cédric aquaponie Réponse
    Donc si j’ai bien compris on peut affirmer que l’aquaponie produit des légumes aussi riches qu’en culture classique?
    Ca ne m’étonne pas vraiment à vrai dire.

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